Par Claire Bourassa
« C’est à moi à m’occuper de mon imaginaire! »

Louise Rousseau à Percé, 2017
Printemps 2020. Nouvellement retraitée et confinée, Louise s’ennuie de l’activité Samedis calligraphiques qui lui permettait de développer un thème en compagnie d’une douzaine de membres. Elle propose à Mathieu, notre président, une activité de calligraphie virtuelle aux trois semaines : « Comme ce n’est plus possible de la faire en personne, on fait un échange autrement. Il y a des gens que je connais depuis longtemps et lorsque je regarde leurs œuvres, je trouve qu’ils se sont donné du lousse! Il y a quelque chose de personnel qui s’installe chez plusieurs d’entre eux. » Cette activité a démarré au printemps 2020 et se poursuit depuis. Elle compte une vingtaine de participants, un véritable succès!
La découverte de la calligraphie et de Yannick Durand
En 1995, Louise se cherche une activité artistique pour se ressourcer. Elle essaie le vitrail, puis se tourne vers la calligraphie, en se rappelant les belles lettres anglaises que son père traçait à la plume fine. Elle rencontre Yannick Durand, alors professeure au Centre Saidye-Bronfman. Celle-ci l’encourage à travailler de sa main gauche : « Tu es gauchère, prends ta main gauche et trouve ta position qui est confortable pour toi! » Louise se documente et observe des calligraphes gauchers comme Lieve Cornil : « À la petite école, lorsque j’écrivais avec des plumes fines, j’ai compris que je devais tourner mes feuilles, sauf que pour la calligraphie, je les tourne dans l’autre sens. »
Sa main gauche lui donne un avantage distinctif qui ne lui déplait pas du tout : « On structure la page autrement, en tournant la page, ce qui est horizontal devient vertical, cela m’apporte quelque chose de différent. » Ce besoin de se distinguer lui viendrait aussi de sa famille : « Je viens d’une famille de quatre et on est très proches en âge. Garder mon individualité, c’est quelque chose qui a toujours été important. »
La création d’une écriture personnelle
Au contact de Yannick, Louise s’intéresse au message transmis par sa calligraphie : « Au delà des mots, il y a tout ce qu’on veut transmettre dans nos communications. On n’écrit pas de la même façon le mot Amour et le mot Pluie! Avec Yannick, il y avait toute une réflexion à ce sujet. Il y a beaucoup dans le non verbal qui peut s’exprimer et c’est sûrement un peu ma formation en psychiatrie qui m’aide à le percevoir. Il y a des émotions qui se transmettent. C’est la réflexion des mots qu’on dit. »
Elle explore l’écriture plus gestuelle qui s’approche d’une « image calligraphique », à la frontière de l’abstraction et de la lisibilité. Après le décès subit de Yannick, Louise devient membre de la Société des calligraphes de Montréal et poursuit sa formation avec Denise Lach à Percé : « Tu travaillais une lettre et tu explorais jusqu’où tu pouvais la transformer. J’avais pris un G, cinq jours! Cela t’apprend qu’est-ce qui fait la lisibilité!» Deux ans plus tard à Percé, elle participe à un atelier avec Laurent Rébéna : « Nous avons travaillé la forme et la contre-forme. Tu construis à partir d’une lettre et tu développes une écriture harmonieuse, tout en gardant une certaine lisibilité, tout en exagérant certains traits. »
Le goût d’exposer
Cette tradition d’exposer remonte à l’époque des cours avec Yannick Durand, mais aussi à sa participation avec le groupe de calligraphes, Les Calmars : « Cela faisait plus de dix ans qu’on se connaissait après avoir suivi des cours avec Yannick. On était devenues amies car la calligraphie, c’était sa famille. Avec elle, on faisait toujours des expositions, c’était important. On commençait une pièce et on la finissait assez pour l’encadrer et la mettre sur le mur. Sinon, tu ne finalises pas! »
L’aventure des Calmars se poursuit une dizaine d’années avec des expositions annuelles. En 2018, alors que le groupe termine ses activités, Louise et Paulette Dufresne, son amie calligraphe, co-organisent une exposition à Paris avec les poèmes d’une amie franco-québécoise, Marie Gagnon : « Je lui ai proposé une interprétation personnelle de ses poèmes. J’allais chercher les passages qui m’intéressaient. Je ne voulais pas être le scribe! Cette collaboration était intéressante car l’auteure est contemporaine, elle a eu la surprise de voir ce que j’ai fait avec son texte. C’est là que le plaisir a commencé! Quand elle a vu l’expo, elle a compris ma démarche, comment la calligraphie transmet une pensée! »
L’introduction du monotype dans ses calligraphies
Alors qu’elle prépare son exposition à Paris, Louise sent le besoin de bonifier sa calligraphie avec le monotype, qui apporte une richesse visuelle et une profondeur à son œuvre : « Je voulais ajouter quelque chose alors que je faisais partie de Calmars. Il y avait une pensée Calmars. Je suis allée à une visite libre à l’Atelier circulaire (centre d’arts imprimés) et j’ai aimé la présentation d’une artiste graveure, Jacinthe Tétrault. Elle a une âme de mentor. Elle t’amène à réfléchir, à essayer. Elle est très rigoureuse dans sa technique. »
Après l’exposition de Paris, deux autres se succèdent à Montréal à la Galerie Espace, boulevard Saint-Laurent, en compagnie de Paulette. Lors de la toute dernière en décembre 2020, les haïkus de leur amie Romane les inspire : « Lorsqu’on est allées faire nos monotypes, on avait déjà nos poèmes. Cela fait du bien à l’âme car tu plonges dans ta bulle. J’ai fait un cahier avec mes préférences. J’ai ajouté des idées ou des images qui me venaient. »
Ses outils
Louise aime travailler sur du papier texturé avec ses monotypes. Elle affectionne les outils qui lui permettent de créer des effets variés : « Lorsque j’ai pris des cours avec Yannick, ses Automatic Pen traînaient. Elle m’a permis de les utiliser et j’ai aimé cela! J’en ai maintenant! Puis j’ai des Folded Pen (Cola Pen), des Automatic Pen, différentes grosseurs de tire-ligne. Je fignole avec de la plume pointue. Avec ces outils, je peux prendre les médiums que je préfère, du sumi, du pigment, de l’acrylique, avec des consistances de mon choix. »
Ses projets
Louise s’est inscrite à une formation sur l’Imaginaire poétique en juillet dans la région de Percé (Coin-du-Banc). Elle retrouvera l’artiste multidisciplinaire Lino avec qui elle avait suivi un atelier de création en 2019. Puis en avril 2022, Paulette et elle exposeront à nouveau à la Galerie Espace, accompagnées des haïkus de Romane : « Il faut que tu te mettes des projets, des défis. On prend des risques. Si tu fais des projets seulement quand tu vas être sûre, il n’y en aura pas de projets! »
En terminant ce portrait, je voulais mentionner que cette rencontre avec Louise Rousseau n’était pas seulement du domaine calligraphique; il y avait une dimension humaine beaucoup plus large qui s’est dégagée car ses paroles sont un réel gage d’espoir : « Quand tu as travaillé 40 ans en psychiatrie, il n’y a pas de mesures gouvernementales qui vont confiner ton imaginaire, mais toi-même, tu peux le faire assez facilement et il faut s’occuper. Cela a été mon leitmotiv pendant mes premiers mois de retraite. C’est à moi à m’occuper de mon imaginaire! »
Merci Louise! Message bien reçu!

soi-même dit le psy » 2020




Pour en savoir plus sur Louise
Compte Instagram de Louise
@rousloui
Ses publications
https://www.blurb.com/user/rousloui
Pour participer au projet de calligraphie virtuelle
ateliers.scm@gmail.com
Ses sources d’inspiration
Denise Lach, calligraphe
https://www.deniselach.com/calligraphie
Lino, artiste multidisciplinaire et professeur à Percé
http://www.linoillustration.com/
Brody Neuenschwander, historien de l’art et calligraphe
https://www.brodyneuenschwander.com/